Images à découvrir : Tous en selle avec Tolosana !

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Le domaine de la sellerie-harnacherie reste largement méconnu pour le plus grand nombre d’entre nous. Pour remédier à cette lacune, Tolosana vous présente un ouvrage publié en 1878 qui comporte de nombreuses planches illustrées : La sellerie française et étrangère précédée d'aperçus historiques et anecdotiques sur les voitures et harnais depuis les temps anciens jusqu'à nos jours et suivie d'une étude sur les carrosses et harnais de gala. Ce grand in-folio (50 x 63 cm) regroupe 31 planches en couleurs dessinées par Lené et Janson, selliers-harnacheurs1 et lithographiées par Albert Adam (1833-1900) dessinateur et lithographe français. Celles-ci représentent chacune 1, 2 ou 4 chevaux harnachés ou sellés et sont précédées de notices explicatives. Nous n’avons pas beaucoup d’informations sur ses auteurs. La Bibliographie hippique…publiée par Mennessier de La Lance en 1915-1921, qui recense plus de 8000 titres, répertorie cet ouvrage devenu rare et attribue respectivement les dessins des harnais à Léné et Janson et ceux des chevaux à Albert Adam. Cette indication est donnée par Léné : « Les magnifiques chevaux (...) feront sans conteste l'admiration des connaisseurs : leurs têtes sont intelligentes et jolies, leurs formes équilibrées de façon remarquable, leurs membres de toute beauté et leur académie à l'abri de toute critique. Ils sont tous dus aux crayons de mon collaborateur et ami Albert Adam  ». 

Comme annoncé dans l’avant-propos, les 31 planches de cet album sont précédées d'un «essai historique des diverses et successives transformations par lesquelles la carrosserie et la sellerie, ces deux industries sœurs, ont dû passer avant d’atteindre le degré de perfectionnement que leur a donné notre civilisation moderne ». En effet, la selle que nous connaissons aujourd'hui n'a pas toujours été cet objet en cuir qui nous est familier et l'équitation s'est pratiquée pendant longtemps sous une forme rudimentaire, les cavaliers montant à cru ou sur des pièces de tissus. C'est au 1er siècle av. J.-C. que l'arçon fait son apparition chez les romains et permet d'obtenir une structure dure de la selle, son usage se généralisant au 2e siècle ap. J.-C.  Au Moyen-Âge, celle-ci évolue beaucoup : un arçon en bois très solide est créé pour plus de rigidité et le pommeau est relevé. Au 18e siècle, le célèbre écuyer François Robichon de la Guérinière (1688-1751), crée ce que l’on appelle aujourd’hui la selle de dressage, ou selle occidentale. Directeur du Manège royal des Tuileries, il enseigne l’équitation mais aussi tout ce qui se rapporte à la science du cheval et publie le premier traité moderne sur l'art équestre en 1733. Dans cet ouvrage, il évoque différents types de selles : selle à piquer, selle à la royale, selle rase ou selle anglaise comme celle représentée sur la planche ci-dessus. C'est une « selle en peau de cochon, étrivières en cuir jaune, étriers en acier, sangles en laine blanche...» La selle anglaise est surtout utilisée pour la chasse à courre et aujourd'hui pour le saut d'obstacles. Elle possède des panneaux plus courts et plus avancés pour faciliter le saut.

On trouve aussi dans l'ouvrage de Léné et Janson de nombreuses planches figurant différentes sortes de harnais car la pratique de l'attelage exige un harnachement différent de celui d'un animal de selle. En effet, bien avant d'être monté, le cheval a tracté des charges placées sur des traîneaux ou des travois. Composé de deux perches posées à une extrêmité sur l'encolure, l'autre traînant à terre à l'arrière du cheval, le travois était utilisé notamment par les Indiens d'Amérique. Puis on utilisa un collier pour atteler un chariot mais le principal inconvénient du collier réside dans le fait qu’il étrangle l’animal, l’empêchant de respirer, ce qui entrave ses efforts. Au 3e siècle après J.-C. l’apparition du harnais qui se fixe sur le poitrail du cheval (d’où son autre nom de « collier d’épaule ») autorise la traction de charrettes plus lourdement chargées. Aujourd'hui c'est la bricole, large courroie de cuir, qui est le plus fréquemment utilisée pour tracter les véhicules. Si l’intérêt du collier est de mieux répartir la surface de traction sur les épaules des chevaux, il ne convient pas forcément à tous les chevaux et peut de ce fait provoquer des blessures. L’avantage de la bricole est de s’adapter à toutes les morphologies de chevaux. Dans cet album nous trouvons le collier et la bricole figurés dans les 2 planches ci-dessous. La première planche « Harnais de phaeton2 » montre des "colliers avec plaques en cuir verni, cintrés et renversés en arrière, légers à leur partie supérieure ; attelles enveloppées de cuir verni ; grands boucleteaux montés sur les attelles par des chapes fixes ». Ce sont des harnais légers, les chevaux sont fins et élégants. On les attelle sur « phaeton, coupé, cabriolet, victoria ou mylord à simple ou double suspension et sur toutes les voitures légères à quatre places telles que landaus, calèches, vis-à-vis ». Sur la seconde planche  « Harnais de poste à deux chevaux » sont dessinés « des chevaux percherons forts et bien membrés  »  et c'est alors la bricole « en vache grasse grainée3, rempliée, soutenue par les dessus de cou et maintenues par les courroies les reliant aux mantelets » qui est employée. Cet attelage, d'un usage très répandu et économique est utilisé pour les longues promenades, chasses et courses.

 

Toutes les planches de cet ouvrage portent la mention « Publié par le Guide du Carrossier ». De fait, ce guide est une revue incontournable publiée durant 54 ans sous la direction de Brice Thomas (1820-1895), qui compte parmi les premiers professeurs en carrosserie hippomobile. Il en développe l’enseignement professionnel au travers de l'atelier-école qu’il crée  et de son journal qui contribue au développement, au perfectionnement et au rayonnement de la carrosserie française de luxe : « les harnais sont généralement plus riches en bouclerie ; les attelles (...)  sont presque toutes plaquées en argent ou cuivre ; on ne voit pour ainsi dire plus de harnais sans ornementations, ils sont tous ou presque tous enrichis d'armes, d'écussons, de couronnes ou de chiffres », la planche ci-contre illustre le propos de Léné. Avec un brillant développement dans la deuxième moitié du 19e siècle, la construction hippomobile devient une véritable industrie. Des fabricants de voitures sont présents dans la plupart des villes françaises. On en dénombre une soixantaine à Bordeaux, autant à Lyon, plusieurs dizaines à Nantes, à Lille et à Marseille mais avec près de 200 fabricants identifiés, c'est la ville de Toulouse qui tient la première place. Ainsi, avec 10 établissements en 1871, la rue du Rempart Saint-Etienne est appelée « rue des carrossiers ». Etroitement dépendante de la prospérité économique, cette industrie est gravement touchée par les guerres et les crises agricoles à l'origine de nombreuses failllites et au cours du 20e siècle les voitures hippomobiles sont largement supplantées par les voitures automobiles. 

Cet ouvrage fait partie des collections anciennes de la bibiothèque de L'ENVT

 

1 Le sellier-harnacheur réalise toutes les pièces en cuir indispensables à la conduite d’un attelage et à l’équipement d’un cheval telles que les selles, les harnais, les traits et autres accessoires d’harnachement principalement dédiés à l’équitation

2 Voiture hippomobile légère, haut perchée, à 4 roues

3 Type de cuir gras avec une surface texturée

 

Pour en savoir plus :

Gabriel Mennessier de La Lance, Essai de bibliographie hippique,(...), Paris, Lucien Dorbon, 1915-1917 [en ligne

Jean-Pierre Mégnin, Histoire du harnachement et de la ferrure du cheval (2e éd.), Vincennes, aux bureaux de "L'Éleveur", 1904 [en ligne]

Jean-Louis Libourel, Voitures hippomobiles. Vocabulaire typologique et technique, Paris, Éditions du Patrimoine, Centre des monuments nationaux, 2005 (réédition 2016)

 

 

 

 

Posté le 14/10/2024
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